A Moutier, le ras-le-bol des pro-bernois

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Le drapeau jurassien, peint sur le sol de la place de la Gare à Moutier et recouvert de peinture rouge en guise de protestation.

Le Parlement jurassien a accepté ce mercredi une motion urgente pour demander d’accueillir Moutier en 2024 plutôt qu’en 2026. Cette volonté d’accélérer le processus de transfert secoue la commune où, lundi soir, les élus anti-séparatistes ont démissionné en bloc du Conseil de Ville.

Les braises ne sont toujours pas éteintes à Moutier après le vote du 28 mars 2021, actant le rattachement de la cité bernoise au canton du Jura. Pire, le feu semble reprendre. Près du tiers du Conseil de Ville (le législatif ), soit treize élus, ont claqué la porte. Lundi soir, en début de séance, le PLR Steve Léchot s’est levé et a lu une lettre annonçant cette démission en bloc. «Nous ne souhaitons pas assumer la responsabilité d’un projet irresponsable et hasardeux. Nous ne serons pas les liquidateurs de la ville», a-t-il expliqué. A la fin de la lecture, faite sous les huées du camp autonomiste, les pro-bernois ont quitté la salle, ne laissant que des chaises vides. Ambiance.

«Un total irrespect»

«Ce n’est en aucun cas une réaction émotionnelle suite au vote perdu, se défend Steve Léchot. Nous y avons mûrement réfléchi. La question était de savoir quel rôle nous serions amenés à jouer dans le futur. Et nous ne souhaitons pas être coresponsables d’un projet, le transfert de Moutier dans le Jura, dont les conséquences seront assurément néfastes pour notre ville et la région. La balle est désormais dans le camp autonomiste, il faut maintenant passer des promesses aux actes, de l’ivresse de la victoire à la concrétisation. Leur responsabilité est désormais entière, pour le meilleur et évidemment pour le pire. Nous ne serons pas leur alibi.» Etant donné que les viennent-ensuite refuseront également de siéger, une élection complémentaire devra être organisée à l’automne, soit une année avant les élections générales de novembre 2022.

Si des discussions étaient en cours parmi les pro-bernois depuis quelque temps, c’est la résolution (acceptée finalement par le Conseil de Ville lundi) demandant d’avancer la date de l’entrée de Moutier dans le canton du Jura de 2026 à 2024 qui a précipité la décision. «Quand nous avons reçu le mail avec la proposition, nous nous sommes dit trop c’est trop, confirme Morena Pozner. L’échéance de 2026 a été arrêtée par la Confédération et les deux cantons, vouloir la changer seulement trois mois après la votation, c’est un total irrespect pour nous.»

Et la socialiste de conclure: «Les pro-jurassiens avaient promis de nous tendre la main, mais c’est finalement pour mieux nous enfoncer.» Les mots sont forts. L’amertume s’est encore renforcée ce mercredi matin quand, à Delémont, le Parlement jurassien a dit oui à une motion urgente demandant l’accélération du processus pour accueillir la cité prévôtoise au 1er janvier 2024. Un texte approuvé malgré l’opposition du Gouvernement du Jura qui estime cette date «juridiquement pas réaliste».

Contacté, Marcel Winistoerfer, le maire autonomiste de Moutier, se défend de toute arrogance. «Nous avons toujours respecté les règles du jeu, affirme l’élu du Centre. Aujourd’hui, il nous semble judicieux de réduire la période de transition, donc d’incertitudes, qui paralyse tout projet de développement.» S’il regrette les démissions, il pense qu’elles peuvent également être une chance pour Moutier, celle d’avoir des élus qui ont «véritablement envie de faire aboutir ce projet de transfert, volonté de la majorité de la population».

«Il faut continuer d’avancer»

De son côté, Valentin Zuber, conseiller municipal et président de la Délégation prévôtoise aux affaires jurassiennes, «prend acte» du fait que «les pro-bernois abandonnent leur mandat». Pour le socialiste, il faut néanmoins «continuer d’avancer». Il ne s’inquiète pas du départ d’élus très marqués par le combat pro-bernois. Il y voit même du positif et l’espoir d’une normalisation après plusieurs années sous haute tension: «Cette législature commencée juste après la décision de la préfecture d’annuler le vote de 2017 a été marquée par un durcissement des fronts et une polarisation au Conseil de Ville plus exacerbée qu’au sein de la population.»

«Le schéma conflictuel est profondément ancré, observe au contraire Steve Léchot, et il sera vraisemblablement difficile d’ouvrir un nouveau chapitre avec sérénité. La ville est lessivée.» Chez les démissionnaires, on ne baisse cependant pas complètement les armes. «Nous redevenons de simples citoyens, relève l’UDC Patrick Tobler qui a siégé quatorze ans au sein du législatif. Mais il y a d’autres moyens de se faire entendre: communiqué, pétition, voire référendum…» Le chemin paraît encore long jusqu’à la ratification par les Chambres fédérales, qui devront avaliser le processus au final.

«Nous ne souhaitons pas assumer la responsabilité d’un projet irresponsable et hasardeux» STEVE LÉCHOT, ÉLU PLR


Si l’article est plutôt informatif, on relèvera tout de même cette terminologie trompeuse : « pro-bernois » au lieu d’ « antiséparatistes » (ou « pro-prévôtois ») et « autonomistes » (quelle autonomie pour Moutier dans le Jura ?) au lieu de « séparatistes » (ils veulent séparer Moutier de la Prévôté, du Jura bernois et de Berne) ou d’ « annexionnistes » (ils veulent annexer Moutier au canton de Delémont). Et si le triste clown qui nous sert encore de maire constate « un durcissement des fronts et une polarisation au Conseil de Ville plus exacerbée qu’au sein de la population », c’est que c’est le seul lieu où l’opposition peut apparaitre (mais pas jusqu’à s’exprimer).

1 juillet 2021