Casse-tête alphabétique
Casse-tête alphabétique.
Bon, « A », c’est râpé. Heureusement, l’alphabet offre d’autres ressources. Autant de plans possibles que de lettres restantes. De quoi, à force de contorsions législatives et de créativité constitutionnelle, permettre aux estomacs jurassiens de patienter jusqu’à l’heure du repas pour y déguster, enfin, leur proie du 18 juin 2017. Charlot faisait bouillir une godasse de cuir. Les ministres jurassiens, eux, imaginent des plans. C’est qu’il y urgence ! «Quand pourrons-nous faire chanter la «Rauracienne» à des élus antiséparatistes ?» «Comment ripoliner au plus vite l’avenir du chef-lieu prévôtois, que son maire promet étincelant?» «Quand faire tomber sur cette malheureuse cité occupée par les baillis bernois et leurs soudards armés jusqu’aux dents, la manne fédérale qui l’attend déjà dans les finances d’autres cantons?» Tant de bienveillance que des ingrats refusent obstinément à coups de recours et de résistance. Il leur est même offert l’accueil dans notre bon hôpital de Delémont! Que de soucis! Quel chaos ainsi semé dans des institutions si bien huilées, loin, très loin des querelles claniques et des fraudes électorales. Et tout ça après des décennies d’efforts aussi constants que profitables, de lutte qui continue, de colonisation sourde mais pas muette, de chants des sirènes que des malveillants appellent propagande et conditionnement.
Que faire devant tant de mauvaise volonté ?
Si nous osions, nous aurions une suggestion : laissez tomber! Ne vous sentez pas obligés de pondre tous les plans possibles et imaginables pour nous annexer à Delémont. Nous n’en ressentons nul besoin. Sans l’immigration continue de vos nationaux plus fidèles militants que loyaux concitoyens, notre ville vivrait en paix et aurait un avenir. Tout court, mais un avenir. Elle serait toujours la place forte de la Prévôté, son milieu naturel, historique, économique et culturel. Elle porterait la mémoire de la «République prévôtoise», historiquement aussi réelle qu’une certaine «République rauracienne» fut fantomatique. Bref, nous étions chez nous, nous sommes chez nous, nous voulons rester chez nous. Nous nous satisferons de nos propres lumières et nous nous passerons d’éventuelles étincelles venues de votre canton pourtant si lumineux (à en croire un caricaturiste bel et bien illuminé, lui), qu’il rejetterait dans l’ombre le reste du monde. Nous aurions peine à supporter tant de bonheur.
Vous êtes impatients de nous offrir la «souveraineté». Fausse bonne idée, nous l’avons déjà. Et elle ne consiste pas, comme la vôtre, à «élire des autorités» qui ne sont pas les nôtres. Au lieu de triturer ainsi vos neurones, occupez-vous de ce que vous faites si bien : affranchir votre canton de sa dépendance financière, la plus contraignante de toutes. Ce jour-là seulement, le Jura sera libre.
31 mai 2018